mercredi 8 mai 2019

Cops - Buster Keaton et Edward F. Cline 1922

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1920 marque la fin de la collaboration entre Buster Keaton et Fatty Arbuckle. Ce dernier est engagé par Adolph  Zukor pour le compte de la Paramount, et réalise quelques longs métrages, avant que sa carrière ne s'arrête brutalement en 1921, suite au décès de Virginia Rappe  qui plongea Faty dans un scandale dont il ne se remit jamais. De son côté, Buster Keaton  entreprend de réaliser ses propres films, grâce à son beau-frère et producteur Joseph Schenck. Il récupère les anciens studios de Charles Chaplin, pour en faire ses propres studios, qu'il rebaptise les studios Keaton. Jouissant d'une indépendance artistique et financière, il a carte blanche pour mettre ses idées en pratique. Le résultat est prodigieux : la petite vingtaine de courts métrages qu'il tourne entre 1920 et 1923  prouve à l'évidence que Buster Keaton était devenu, au début des années 20, un as du comique burlesque, et qu'il en maîtrisait parfaitement les rouages et les ressorts.
 Cops porte à la perfection les ambitions artistiques de Keaton, et incarne un cinéma d'action drôle et inventif, basé sur une brillante science du mouvement. Tourné en 1922 en collaboration avec Edward F. Cline, ce film de deux bobines est un joyau du cinéma muet. Tout y est parfait. Les gags sont d'une folle ingéniosité. Et leur enchaînement est un régal pour les yeux. Les courses-poursuites dantesques. Et le film possède une admirable cohésion d'ensemble. Construit sur un rythme effréné, Cops développe une dynamique affolante, emmené par un Buster Keaton virevoltant, dont les fulgurances physiques sont un vrai pied de nez aux lois de la gravité. Je pense à cette scène incroyable, où, pour échapper à une horde de policiers lancés à sa poursuite, il s'accroche à une voiture qui passe devant lui, et le propulse avec elle, son corps presque à l'horizontale !! Keaton, grand casse-cou devant l'Éternel, réalisait lui-même ses cascades, souvent au péril de sa vie. Sans doublure ni trucage. Cops est sorti en France sous le titre de Frigo déménageur. En fait, sans qu'on n'en connaisse trop la raison, les distributeurs français ont choisi d'accoler au personnage joué par Keaton, les surnoms de Frigo ou Malec. Bon, Frigo, sûrement parce que Keaton  savait rester froid devant les événements. Quant à Malec, qui est l'anagramme de calme, il était la transposition littérale de sa légendaire impassibilité.  C'est un début d'explication.  

Comme souvent, chez Keaton, le film se joue sur des quiproquos et des trompe-l'œil.  Le premier plan place Buster Keaton derrière des barreaux qui semblent être à première vue ceux d'une prison, on le voit parler à celle qu'on prend volontiers pour son amoureuse. Mais les apparences sont trompeuses... Et ce premier plan démontre que Buster Keaton avait un sens remarquable du cadrage et excellait dans l'art de la mise en scène.
"Je t'épouserai quand tu seras un  grand homme d'affaires " lui lance-t-elle sur un ton narquois ! Et voilà notre bon Keaton mis au défi de devenir riche... On imagine sans peine que les choses ne vont pas se passer exactement comme il l'aurait voulu.... En fait, ce n'est pas tant l'amour qui intéresse Keaton, que les moyens qu'il met en œuvre pour y parvenir. Comme le dit très justement Stéphane Goudet dans les Cahiers du Cinéma :   "Plus encore que l'amour d'une femme, c'est le désir de l'amour, qui fait courir Buster Keaton."
Bien sûr, le clou du film, ce sont ces courses-poursuites délirantes où une armada de policiers furibards est lancée à ses trousses. C'est un moment grandiose, visuellement impressionnant. Les mouvements anarchiques et désordonnés de la gent policière forment une chorégraphie des plus singulières et angoissante ! Le déferlement d'une foule hostile à son égard est un thème récurrent chez Keaton. On le trouve dans Seven chances (1925) où une nuée de femmes lui court après ! Dans The Navigator (1924) c'est une horde de cannibales qui veut lui faire sa peau ! Cette masse informe à laquelle l'électron libre et individualiste que représente Keaton tente d'échapper, c'est symboliquement parlant, tout le dilemme du génie créateur pris dans l'écheveau des contraintes. À cet égard, la fin de Cops est d'une noirceur glaçante, et présage de ce que la vie de Buster Keaton sera quelques années plus tard...  






Bonus : 



Buster Keaton, le comique qui ne souriait jamais (radio RCF - Flac - 55mn) : je ne me lasse pas d'écouter Serge Bromberg  parler de Buster Keaton avec une passion communicative. Directeur de la Société Lobster Films, qui a pour tâche de restaurer les (très) vieux films, Serge Bromberg exhume des œuvres vouées à la disparition, et tente de sauver des films de la destruction.

Retour sur l'œuvre de Keaton (France Culture - Flac - 34mn) : avec les interventions d'Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit et auteur de Buster Keaton, l'étoile filante.
- Analyse et critique du film Cops par Jean-Pierre Coursodon (PDF- 3p)
La brigade du mercurochrome. Cascadeurs et cascadeuses. Un chapitre extrait de ce merveilleux livre, Hollywood les pionniers , écrit par Kevin Brownlow, et entièrement dédié au cinéma muet et à l'émergence du cinéma aux États-Unis. Le livre regorge d'anecdotes saillantes et stupéfiantes, sur ces cascadeurs d'un autre temps, bravant la mort avec un aplomb naturel et relevant des défis insensés, auxquels certains n'ont évidemment pas survécu. C'était vraiment une époque de dingue, et certains réalisateurs avaient des méthodes de fou pour filmer, tel un certain Henry Lehrman, qui, sans prévenir personne, n'hésitait pas à  balancer dans les rues un lion en pleine liberté afin d'obtenir, une belle scène de foule en proie  à la panique...!    (PDF-4p)
Cinéma 66 : le 5 septembre 1965, Buster Keaton donne à Venise où il présentait son tout dernier film (réalisé par Samuel Beckett) une ultime interview. Réalisée par John Gillet et James Blues, elle détaille notamment la manière dont certains de ses films ont vu le jour, et sur la façon dont certains de ses gags les plus célèbres ont été conçus. Captivant. (PDF - 10p)
- Dans la revue Cinéa (1930), Buster Keaton livre quelques réflexions personnelles sur le métier de comique. Et sur sa nécessaire évolution.  (PDF -  10p)
Cinéma 66 : suite à  la mort de Buster Keaton survenue en 1966, la revue lui rend un hommage chaleureux. (PDF - 7p)
Souvenirs sur Buster Keaton écrits par John D. Williamson et extraits de la revue Pour Vous (1930). (PDF- 5p)
Buster Keaton, l'homme au visage impassible : un portrait de Buster écrit par Judith Érèbe dans la revue Pour Vous en 1929. (PDF- 1p)
Cinémonde 1929 :   Buster Keaton ou le comique mécanique. (PDF-2p)
Kermite.

Lien :

https://uptobox.com/v9p8v30i2f9a

https://1fichier.com/?yr7m40at8pgik55shnx7
HDTV (1080x1040)


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